
Poursuite: comment procéder?
En Suisse, il est facile d’engager une poursuite pour n’importe quelle créance contre n’importe quel débiteur (prétendu). Les sociétés individuelles ou les PME peuvent être particulièrement touchées par ce phénomène. Il est donc d’autant plus important pour les parties concernées de réagir correctement en cas de poursuite. Découvrez ici les possibilités offertes aux créanciers et comment procéder, même en cas de poursuite infondée.
La personne concernée est informée de la poursuite lors de la notification du commandement de payer. Celui-ci est généralement notifié personnellement au débiteur ou aux personnes habilitées à signer. Dans le cas des entreprises, la notification est cependant possible à n’importe quel employé (art. 64 et 65 LP). Les collaborateurs doivent donc être instruits de la marche à suivre dans un tel cas.
Opposition au commandement de payer
L’opposition est le premier mais aussi le plus important moyen de défense contre une poursuite. Elle doit être déclarée verbalement ou par écrit à l’office des poursuites dans les 10 jours qui suivent la notification du commandement de payer (art. 74 LP). Que la créance soit justifiée ou non, il est conseillé de commencer par former opposition contre le commandement de payer afin de gagner du temps. L’opposition devrait être formée dès la notification afin d’éviter tout problème lié au respect du délai. Si la créance est effectivement justifiée, il est conseillé de rechercher le dialogue avec le créancier afin de régler l’affaire (et le cas échéant l’amortissement) à l’amiable. Le débiteur évite ainsi les frais afférents à des mesures d’encaissement supplémentaires qu’il devra régler au final en plus de la créance. En cas d’incertitude quant au bien-fondé de la créance ou si celle-ci est contestée, il est utile à ce stade de demander un conseil juridique sur les actions possibles et les risques.
Possibilités offertes au créancier
Le créancier doit écarter l’opposition en justice grâce à la mainlevée afin de pouvoir continuer la poursuite. Il dispose de différentes possibilités à cet effet. Si la créance résulte d’un jugement, d’une transaction ou d’une reconnaissance de dette écrite, il peut requérir la mainlevée dans une procédure écrite relativement simple et courte. Les possibilités de défense du débiteur se limitent à faire valoir par titre le paiement, le sursis ou la prescription ou de rendre vraisemblable la libération de la reconnaissance de dette (art. 81 et 82 LP). Est réputée reconnaissance de dette un document dans lequel le débiteur a reconnu par sa signature autographe être redevable d’un certain montant ou d’un montant pouvant être déterminé. Il peut s’agir du contrat de bail en ce qui concerne le loyer mensuel ou d’un formulaire de commande signé qui renvoie à une liste de prix. Une facture ne représente en revanche pas une reconnaissance de dette. Faute de jugement, de transaction ou de reconnaissance de dette (par exemple dans le cas de commandes sur Internet), le créancier doit demander la constatation de la créance en justice dans une procédure civile ordinaire, seul moyen pour lui d’obtenir la mainlevée. Une fois que l’opposition a été écartée avec succès, le créancier peut requérir la continuation de la poursuite auprès de l’office des poursuites. À ce stade, le débiteur n’a plus que des possibilités extrêmement limitées pour arrêter l’exécution forcée. Il est donc conseillé d’engager les recours décrits si possible dès le début de la procédure de poursuite et, si nécessaire, de demander un conseil juridique.
Procédure en cas de poursuite injustifiée
En cas de poursuite injustifiée, le débiteur peut faire valoir ses objections dans la procédure de mainlevée et faire échouer la poursuite dès ce stade. Ou, si la mainlevée est accordée, il peut intenter une action en libération de dette et demander à ce que la créance soit examinée dans un procès civil ordinaire (art. 83, al. 2, LP). Le débiteur peut aussi en tout temps former un recours en annulation devant le tribunal sans attendre une procédure de mainlevée du créancier et faire constater l’inexistence de la créance et donc l’annulation de la poursuite (art. 85a LP).
Radiation du registre des poursuites
Une poursuite n’est radiée d’office du registre que dans le cas d’un recours en annulation ayant abouti. Sinon, l’office des poursuites ne procède à la radiation qu’à la demande du créancier. Le débiteur n’a donc lui-même aucune possibilité de requérir directement la radiation auprès de l’office des poursuites et doit demander au créancier de le faire. Le créancier n’est toutefois pas tenu d’approuver la radiation, même si la créance a été réglée ou que la mainlevée a été refusée.
Evelyne Suter
lic. en droit HSG, avocate; membre du pool d’avocats de l’ASC, associée du cabinet d’avocat Luginbühl Wernli + Partner, Berne, tél. 031 300 37 00,
Ses spécialités:
- Droit des contrats et des créances
- Procédure d’exécution selon la LP
- Autorisation de travail pour le personnel étranger